SaintExupery

C'était à une période où Silvana se préoccupait beaucoup de la maison de santé. Elle allait et venait, questionnait sur les différentes spécialités, s'inquiétait qu'un jour un membre du clan ait besoin d'un traitement que l'équipe de soigneurs ne puisse lui prodiguer. Elle aurait voulu un spécialiste des écailles, un pour les griffes, pour les ailes, pour les glandes ignifuges, bref, pour chaque partie du corps. Elle déléguait les ambassadeurs dans tous les sens, multipliait les oiseaux-messagers, envoyait même les familiers un peu partout afin de dénicher des professionnels désireux de s'établir dans le clan. Pendant longtemps en vain.

Et enfin un jour, un dragon couleur du soir arriva, avec très peu d'affaires. Il disait s'appeler Saint Exupéry et venait pour l'annonce de Silvana. Il était assez laconique sur son ancienne vie, presque mystérieux. Pourtant, il était aimable, chaleureux, et inspirait la sympathie. Ses ailes grandes ouvertes faisaient comme un merveilleux ciel crépusculaire, parsemées d'éclats scintillants comme des étoiles. Plus d'un et plus d'une était fasciné par le nouveau venu, et chacun y allait de son commentaire sur ce bel inconnu au maintien si calme et aux manières si professionnelles. C'était un jeune médecin qui cherchait un endroit propice à l'établissement de son tout premier cabinet. La nouvelle réjouit et soulagea Silvana.

Mais elle fut d'abord déçue en apprenant sa spécialité. Le guardian était psychiatre et psychologue. Pas un vrai médecin aux yeux de la plupart des membres du clan, mais leur cheffe décida de lui laisser une chance de revenir sur leurs préjugés et le laissa s'installer parmi eux. O'Hara lui aménagea une tanière, qu'il demanda très sobre, presque impersonnelle, et un cabinet au sein de la maison médical. Contrairement aux salles parfaitement aseptisées de ses collègues, Saint Exupéry a fait de son cabinet un havre de douceur et de chaleur, avec un large et confortable divan où se blottir, couvert de coussins et de plaids. Les fenêtres sont hautes et petites, de manière à amener de la lumière en conservant l'intimité de la pièce. Des lampes, éparpillées et douces, créent de chaleureux jeux de lumière, dont Saint Exupéry profite pour faire scintiller ses larges ailes.

Au début, personne n'osait pousser la porte de son cabinet, et aucun n'aurait pensé avoir besoin de tels soins. Seul Eluard y fut enfermé manu militari par Tsvétaïéva, avec ordre d'y revenir deux fois par semaine au minimum. Mais le psychiatre ne montra pas son abattement, et petit à petit attira du monde chez lui, en s'intéressant à ses camarades, en les écoutant en dehors de son cabinet, et en les attirant avec une bonne tasse de thé, "juste pour discuter". Et de fil en aiguille, plus d'un se retrouva à revenir chaque semaine pour vider son cœur et chercher des conseils et un avis extérieur sur ses problèmes, sans pour autant avoir l'impression d'aller chez le psychologue. Bientôt Eluard ne fut plus le seul patient de Saint Exupéry, et son cabinet ne désemplit plus.

Silvana était ravie. Elle voyait les membres du clan plus détendus, moins enclin à se disputer pour des détails, et plus en paix avec eux-même. Plusieurs réussissaient enfin à reparler d'éléments douloureux de leur passé. D'autres travaillaient sur des défauts qui leur posaient problème depuis l'enfance. Et sans les faire disparaitre, les atténuaient. Quelques duos à problèmes firent un tour auprès du guardian pour qu'il joue les médiateur et apaise les tensions. Saint Exupéry joue désormais un rôle essentiel pour la santé du clan, et plus personne ne s'aviserait de dire qu'un psychiatre n'est pas un vrai médecin.

Saint Exupéry est un dragon dynamique et sympathique, d'une grande diplomatie, métier oblige. Il est d'une extrême disponibilité, et on a vu plusieurs fois son bureau allumé à des heures tardives. Il ne vit que pour son travail, si bien que le clan a un peu de mal à le cerner dans sa vie personnelle. Il ne semble pas en avoir vraiment pour dire vrai. On ne connait pas sa Charge non plus, et il n'en parle pas. Peut-être des souvenirs à noyer dans le travail et les problèmes des autres...