Ponge

Ponge vient d'un clan totalitarisme qui pratique une sélection idéologique intensive. Il avait échappé aux premières triages de nouveaux-nés, jusqu'au jour où il a ouvert les yeux, révélant un rouge trouble tirant sur le vert, couleur honnie entre toutes par le chef suprême. Ce fanatique voue en effet une haine féroce pour le vol opposé. La propre mère de Ponge n'a pas hésité une seconde à le jeter hors du nid. Le banescale a été refoulé jusqu'aux frontières du clan, destiné à une mort atroce. Il a heureusement été recueilli à temps par un clan voisin et proposé à l'adoption à un conseil entre les vols.

En apprenant son histoire, Silvana a décidé de réparer le tort causé au petit à cause de ses yeux partiellement verts. Le banescale a donc été accueilli et élevé au sein du clan. Mais malgré toute la chaleur de Brontë et le travail de Saint-Exupéry, Ponge n'a jamais été comme les autres petits de son âge. Personne ne l'a vu rire ne serait-ce qu'une seule fois, et ses sourires sont minces et fort rares. Ses mouvements sont raides et mécaniques. S'il répond froidement aux questions, le banescale n'entame jamais une conversation. Il a conservé un fort accent, ce qui étonne toujours Baudelaire vu le jeune âge auquel il est pourtant arrivé. Halloween le surnomme volontiers le robot, ce qui, il faut avouer, lui va assez bien.

L'un des principaux traits de caractère de Ponge est toutefois qu'il respecte plus que tout les règles et la hiérarchie. Jamais il ne remet un ordre en question. Au point qu'il continue encore à dire que sa mère a pris la bonne décision en le banissant, ce qui ne manque pas de scandaliser, mais peut très mal finir si quelqu'un ose contester. Il a également refusé de choisir lui-même son occupation d'adulte, et n'a même pas envisagé de partir de son propre chef. Le banescale s'est mis aux ordres de Silvana pour qu'elle l'affecte là où elle le jugerait le plus utile. A cause de son obéissance aveugle et de son total manque de remise en question, la dirigeante a refusé qu'il rejoigne les guerriers, craignant une radicalisation encore plus grande. A la surprise générale, elle l'a nommé aux cuisines, comme sous-chef et second de Queneau.

Le bogsneak aurait bien voulu protester, mais il connaissait le banescale depuis tout petit, et le refuser aurait pu être blessant, pour peu que quoi que ce soit puisse atteindre ce bloc de glace insondable. Cependant le cuistot n'appréciait pas de partager sa cuisine, où il a l'habitude de régner en maître. Force était pourtant de constater que même avec la préparation en amont des ingrédients par l'équipe de cuisine et l'aide de Musset comme commis, Queneau ne s'en sortait plus. Le nombre de bouche à nourrir était tout simplement écrasant, il lui fallait de l'aide. Silvana n'a même pas voulu entendre ses arguments.

Queneau a été encore plus bougon que d'habitude pendant les premières semaines, ce qui a permis de se rendre compte que les mouvements d'humeur de son supérieur glissait sur Ponge sans provoquer plus qu'un clignement d'yeux. Jamais il ne répond ou ne perd patience, ce qui est en soi un exploit. Bien mieux, la nervosité de Queneau ne l'atteint jamais, car il s'y avère tout à fait imperméable. Le banescale est silencieux, concentré, rapide et efficace. Il obéit en une seconde et peut recommencer vingt fois la même tâche sans rechigner. Finalement, c'est peut-être le seul qui puisse travailler avec Queneau, et il lui est rapidement devenu indispensable. Les deux forment un tandem redoutable. Le bogsneak invente, décide et innove, dresse les plats et veille sur l'ensemble de sa cuisine. La banescale exécute, coupe, tranche, mixe, cuit, surveille les cuissons et prend le relai de Queneau dès que celui-ci doit s'occuper d'autre chose. Sa rigueur naturelle lui permet d'être extrêmement ponctuel sur la question des cuissons. Jamais il ne fait brûler quoi que ce soit, au contraire du bogsneak qui est souvent trop débordé pour se rendre compte qu'un incendie commence dans sa cuisine. Le sang-froid de Ponge est alors plus qu'appréciable pour maitriser l'incident.

Queneau a enfin appris à faire confiance à un coéquipier. Musset est ravi pour son vieil ami et désireux de se montrer amical envers le nouveau venu. Toute l'équipe est satisfait du professionnalisme du banescale, et apprécie son côté fiable et peu jugeant, que beaucoup trouvent reposant. Silvana est satisfaite, les estomacs du clan également. Quant à savoir ce qu'en pense le principal intéressé, c'est une tout autre histoire...